Le LBO ou Leveraged Buyout

Le

Par Philippe Moussaud

Tous les points clés pour bien gérer votre entreprise

Il s’agit d’une technique d’acquisition de société consistant à faire acquérir les titres par une société holding qui emprunte à cet effet et qui rembourse le prêt à l’aide, en général, des dividendes versés par la société rachetée.

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Présentation

Ce mécanisme de LBO ne cesse d’évoluer sur plan juridique, fiscal et financier.

Sa réussite repose sur la capacité à contracter un endettement à moindre coût et à la faculté de dégager du cash.

500 000 entreprises sont à céder les prochaines années, ce qui laisse présager un avenir doré à cette technique d’acquisition de société.

On recense différents schémas de reprises (OBO, FBO etc).

L’OBO (owner buy out)

Il s’agit d’une sorte de vente à soi-même.

C’est l’actionnaire majoritaire qui transfère tout ou partie de ses titres à un holding et ouvre le capital à des investisseurs.

La société holding détiendra 100 % des titres de la PME et le dirigeant participera aux côtés d’un partenaire en tant qu’actionnaire majoritaire ou minoritaire, il conserve son autonomie et son pouvoir de décision pour gérer l’entreprise.

Le partenaire s’engage pour une durée de 3 à 7 ans le plus souvent. Il apporte des fonds propres et contracte une dette, ce qui permet de développer l’entreprise.

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Le FBO (family buy out)

Le Family Buy Out concerne la situation dans laquelle certains enfants non-repreneurs sont intéressés par le cash tandis que d’autres enfants repreneurs sont intéressés par le rachat des titres.

Dans ce cas, la méthode consiste à faire une donation de titres aux enfants dans un premier temps puis, dans un second temps, faire apport de ces titres à un holding.

La holding achète le reste des titres (apporteurs et autres enfants), ainsi, les titres vendus par les enfants leur permettent d’obtenir du cash alors que les enfants repreneurs deviennent propriétaires de l’ensemble des titres.

L’optimisation par cette technique

Le LBO permet d’actionner différents leviers :

Effet de levier financier

  • Ce levier financier correspond à tout endettement pris en vue d’un investissement. Afin que l’effet de levier soit optimisé, il faut que le bien acquis rapporte plus que le coût de l’emprunt. Dans ce cas, plus on s’endette, plus la rentabilité sur capitaux propres est élevée : c’est l’effet de levier.

Juridique

  • Ce levier juridique repose sur la dissociation du pouvoir et de la finance. Ce levier est optimisé avec la création de holdings successives. En réalité, ce levier permet à l’actionnaire majoritaire de la holding située en haut de la cascade de détenir le pouvoir sur le groupe alors même que financièrement son apport initial en capital est limité.

Fiscal

  • Ce levier trouve sa source dans diverses dispositions fiscales qu’il est possible d’utiliser :
  • La déduction fiscale des intérêts d’emprunt au niveau de la holding.
  • Le régime des sociétés mère-fille, possible dès lors qu’une société détient plus de 5% dans le capital d’une autre société. Celui-ci permet la distribution de dividendes sans imposition entre la cible et la holding.
  • Le régime d’intégration fiscale, possible lorsqu’une société détient plus de 95% du capital d’une autre société. L’imposition est ici opérée au niveau du groupe et les deux sociétés ne sont plus qu’une au niveau fiscal permettant ainsi une déduction directe des intérêts d’emprunt, une distribution des dividendes sans taxation, une imputation des déficits, etc. (engagement pour une durée minimum de 5 ans).
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Les acteurs et leur rôle

Il y a en premier lieu la société cible, elle va faire l’objet d’une analyse économique complète avant d’être achetée.

Ensuite, il y a la société holding (dite « pure » si elle ne détient que des titres ou « impure » si en plus elle exerce une activité). C’est elle qui va acquérir la société cible grâce au recours à un emprunt.

De fait, entrent en jeu les vendeurs et les banques d’affaires.

Ensuite se positionnent les fonds d’investissement et les managers (souvent conclusion de pacte d’actionnaires pour organiser les rapports de chacun ou la sortie avec des clauses statutaires d’inaliénabilité, de maintien d’exclusivité, de sortie conjointe, etc.).

Nous pouvons également citer les banques qui permettent d’emprunter sur une durée plus longue et ainsi de réaliser une opération qui n’aurait pas été possible avec le seul concours des capitaux propres et de la dette senior (5 à 7 ans).

Déroulement du LBO

Pour les entreprises importantes, il y a une intervention de banque d’affaires et de l’open bid (appel d’offres).

Ensuite, il faut rédiger une lettre d’intention, puis un protocole d’acquisition avec conditions suspensives, et conventions de garantie.

Notons qu’un contrôle des concentrations peut être effectué au niveau national (notification du ministre de l’Économie ou de l’Europe).

S’agissant de la sortie du LBO, appelé débouclage, le plus souvent, il y a fusion de la société cible et de la holding.

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Organisation juridique d’un LBO

L’organisation dépend des objectifs

  • acquisition par un héritier en complément d’une transmission à titre gratuit,
  • projet (commercial ou individuel d’un entrepreneur, etc.) et situation de la société cible (existence actionnaires minoritaires, santé financière, etc.).

Ainsi la société holding optera soit pour une forme sociétaire civile ou fiscale (voir fiche concernant la holding patrimoniale).

Les Relations entre les actionnaires de la société holding d’acquisition

Les actionnaires ont négocié entre eux des conditions du LBO sous tous ses aspects.

  • Le contrôle de la gestion
    • Les plus souvent, elle se manifeste par une obligation d’informations plus dense pour les investisseurs ainsi qu’une périodicité plus grande.
  • La maîtrise de l’actionnariat
    • Différentes clauses permettent de maîtriser cet actionnariat (clauses d’inaliénabilité, clauses d’agrément, clauses de préemption).
  • La sortie des investisseurs organisée avec garantie de rentabilité
    • Rédaction de pacte de sortie conjointe, de promesses d’achat unilatérales à prix fixe (prix minimum souvent – ce principe est admis par la Chambre commerciale malgré l’art. 1844 -1 al.2).
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Financement du LBO

Le recours à l’endettement est un élément essentiel pour que la technique du LBO produise tous ses effets avantageux.

On distingue différents prêts :

  • Prêt principal
  • Dette junior (dont le remboursement est subordonné à l’amortissement du prêt principal)
  • Financement mezzanine (il s’agit d’un prêt subordonné à moyen terme)

Les modalités du financement :

Il y a tout d’abord des conditions suspensives à la mise en place du financement.

Le financement prévoit en effet la mise en place de sûretés et de clauses d’évènements défavorables inattendus (krach boursier, etc.).

Ensuite, il y a des engagements vis-à-vis de choses à faire et ne pas faire (comme le respect du ratio de gestion, l’interdiction d’aliéner des actifs, l’obligation de communiquer régulièrement des informations à la banque, la souscription d’une assurance homme clé, ou encore une obligation qui consiste à faire remonter systématiquement des dividendes du groupe vers la holding).

Les modalités de remboursement ne sont pas identiques pour tous, les échéances sont établies mais il peut y avoir des clauses de remboursement anticipé volontaires ou obligatoires.

Il y a aussi des spécificités concernant la mezzanine, les obligations sont en effet soit convertibles en actions, soit assorties de bons de souscription.

Notons aussi l’organisation de la subordination entre les différentes strates de financement, l’article L 228-97 du code de commerce permet effectivement de régler l’organisation des priorités de remboursement des créanciers concernant le « financement mezzanine » en établissant un ordre de priorité.

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S’agissant du reste du financement, les accords contractuels sont valables même en cas de liquidation judiciaire.
Les sûretés :

Avant la loi du 19 février 2007, aucune règle ne régissait les sûretés prises pour compte commun par l’intermédiaire d’un mandataire.

En conséquence, il fallait que les garanties soient signées par chaque banque.

La loi du 19 février 2007 a inséré à l’article 2328-1 du Code civil une disposition selon laquelle « toute sûreté réelle peut être inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l’obligation garantie par une personne qu’ils désignent à cette fin dans l’acte qui constate cette obligation ».

Il s’agit donc d’une assise légale à une gestion collective des sûretés mais sans modalités prévues sur la répartition des sûretés et les pouvoirs des agents des sûretés. Aucun texte sur ce point.

Les garanties de l’endettement :

La problématique est soulevée par l’article L 225-216 AL 1 du Code de Commerce.

Cet article postule qu’« une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sureté en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres actions par un tiers ».

Fort heureusement, tous les actifs appartenant à la société cible ne tombent pas sous le coup de la loi.

Ne sont pas concernés par cette disposition, le nantissement des titres de la holding, de la société cible ou encore l’affectation par la holding en garantie du remboursement de la dette des dividendes versés par la société fille.

Parfois, on a même recours aux actifs des filiales mais quelles que soit les mécanismes utilisés pour éviter de tomber sous le coup de cet article, il faut être très vigilant à une notion qui celle d’abus de bien sociaux.

Au terme de l’article 241-3 du Code de Commerce, seront punis d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 € :

  • « les gérants qui, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaire frauduleux, auront opéré entre les associés la répartition de dividendes fictifs,
  • les gérants qui, même en l’absence de toute distribution de dividendes, auront présenté aux associés, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la situation financière et du patrimoine de la société,
  • les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement,
  • Les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu’ils possédaient ou des voix dont ils disposaient en cette qualité un usage qu’ils savaient contraire aux intérêts de la société à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement. »

Un arrêt de la Cour de cassation apporte des précisions sur la définition de l’abus de biens sociaux dans les groupes de sociétés :

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« Les avances de trésorerie consenties par une société à une autre société du même groupe ne constituent pas un abus de biens sociaux lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1. Les deux sociétés doivent appartenir au même groupe, ce qui suppose l’existence de liens structurels entre les sociétés membres du groupe et la mise en œuvre d’une stratégie commune en vue de la réalisation d’un objectif commun.
Cette condition n’est pas remplie :

  • lorsque le prétendu groupe résulte de sociétés fermées dont les liens financiers dépendent du seul pouvoir des dirigeants qui ont choisi, selon des critères personnels, l’orientation économique d’entreprises juridiquement indépendantes, dont ils sont les principaux actionnaires et dont ils ont le contrôle absolu
  • lorsqu’il n’existe aucune complémentarité des activités des établissements composant le prétendu groupe
  • lorsqu’aucune stratégie commune n’a été définie entre les sociétés concernées, la seule similitude des activités exercées par elles ne pouvant suffire à caractériser l’existence d’un groupe
  • lorsque les sociétés en cause ne sont liées entre elles que par des « jeux d’écriture » et qu’il n’existe aucune politique décidée en conseil d’administration ou en assemblée générale, les opérations financières critiquées étant dissimulées dans la comptabilité par des artifices sous le couvert de contrats commerciaux fictifs

2. L’opération doit être dictée par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe.

3. Le concours financier ne doit pas être dépourvu de contrepartie ou rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge ».
Les garanties reposent donc principalement sur le nantissement des actions de la société holding, le nantissement des actions de la société cible, sur des délégations de créances, mais aussi sur des cautions personnelles.

Se développent cependant à côté de ces méthodes classiques de plus un plus de procédés non utilisés auparavant tels que la fiducie, le nantissement des meubles incorporels, la délégation imparfaite.

  • Le recours nouveau à la fiducie (Loi du 19 février 2007)
    • Ainsi, le nouvel article 2011 du Code civil définit la fiducie comme « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ». Le transfert de biens ou droits à un fiduciaire à titre de sûreté d’un créancier est donc à présent expressément prévu par les textes. Dans le cadre de LBO, il est intéressant de noter que par ce régime de fiducie-sûreté, les prêteurs pourront se voir transférer à titre de sûretés toutes sortes de biens, les créances présentes ou futures (ce qui permettra d’affecter ab initio tous les flux de créances à venir – et notamment les dividendes) que la holding pourrait détenir sur la cible. Ce nouveau régime vient ainsi contrebalancer l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 décembre 2006 qui a prohibé la cession de créances de droit commun à titre de garantie.
  • Gage de meubles corporels sans dépossession – nantissement de meubles incorporels
    • L’article 2337 du Code civil issu de l’ordonnance du 23 mars 2006 dispense que ‘’ le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite’’. La particularité ici réside dans le fait qu’il s’agit d’un gage sans dépossession.
  • Le recours à la délégation imparfaite
    • La délégation est une opération juridique par laquelle un débiteur, nommé délégant, obtient d’un tiers, appelé délégué (le nouveau débiteur) qu’il s’engage envers un créancier, le délégataire. C’est donc le tiers qui s’engage auprès du créancier en vertu d’un accord entre le débiteur initial et le nouveau débiteur.
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Les avantages fiscaux attachés aux LBO

Une fiscalité avantageuse

Cette fiscalité avantageuse repose sur deux principes : le premier est que l’impôt sur les sociétés (15% en dessous de 38 120 € et 33.33% au-delà) est moins élevé que la tranche marginale d’imposition de l’impôt sur le revenu (41%).

Le second principe avantageux réside dans l’augmentation de la déductibilité de certains frais.

On fait ici référence aux intérêts déductibles, qui en matière de BIC le sont en totalité. Des limites sont à apporter concernant cette déductibilité.

L’article 212 du Code civil apporte une limite concernant la déductibilité fiscale des prêts entre sociétés du même groupe. De la même manière, l’amendement « Charasse » vise à limiter la possibilité de déduire les charges de financement, lorsque la société cible acquise est détenue par une personne qui contrôle le groupe.

Une fiscalité de groupe

Il y a tout d’abord une neutralisation des doubles taxations grâce au mécanisme du régime mère-fille. Il s’agit d’un régime optionnel, ce régime des sociétés mères permet à la société Holding d’être le réceptacle des dividendes avec un régime fiscal privilégié.

Pour cela, la société mère doit détenir au moins 5% de la société file. Lors de la réception des dividendes, la société holding n’est imposée qu’à hauteur de 5% (représentant les frais et charges).

Le second mécanisme avantageux est celui de l’intégration fiscale. Ce mécanisme permet de faire la somme des résultats de chaque société du groupe de manière à faire ressurgir une imposition unique, permettant ainsi d’utiliser les pertes de certaines sociétés du groupe afin de gommer les bénéfices des autres, ce qui ipso facto diminue le poids de l’IS.

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Trois conditions doivent être réunies pour opter pour le régime de l’intégration fiscale :

  • L’intégration n’est possible que pour les sociétés soumises à l’IS
  • Les filiales intégrées doivent être détenues directement ou indirectement à 95% par la société mère
  • L’intégration est une option, elle peut être souscrite pour une seule des filiales, ou pour toutes, ou ne pas être souscrite du tout

D’autres techniques sont utilisées comme la fusion rapide (de la société holding et de la société cible) dans le but d’imputer au sein d’une seule structure les bénéfices d’une société sur les pertes de l’autre.

L’animation de groupe par la société holding permet aussi de générer des avantages.

Cette animation se caractérise par différents procédés qui peuvent être : la mise à disposition des biens immobiliers (marques, brevets…), une centralisation de la trésorerie, une participation à la gestion comptable, administrative, financière et juridique.

L’avantage direct de cette animation de groupe est qu’elle entraîne de fait une exonération au titre de l’ISF, mais aussi une possible récupération de la TVA et une remontée des recettes vers la société holding pour imputer les déficits fiscaux provenant des intérêts d’emprunts.

Autre solution envisageable : le régime fiscal de faveur du rachat de l’entreprise par les salariés (RES).

La loi du 30 décembre 2006 sur l’actionnariat des salariés a ressuscité le régime de RES :

Il n’y a pas de mécanisme d’intégration fiscale cette fois-ci.

Pour bénéficier de l’avantage, les droits de vote attachés aux actions ou aux parts de la holding doivent être détenus par au moins 15 personnes salariées ou par au moins 30 % des salariés si la société a moins de 50 salariés.

Si la condition est remplie, le crédit d’impôt est égal au montant de l’ IS dû par la société rachetée.

La technique d’acquisition par LBO présente donc de nombreux avantages, principalement au niveau fiscal, mais nous verrons aussi qu’elle est très utile en matière de transmission.