Régimes matrimoniaux
Le
Expatriation : Approche civile et fiscale
Un couple marié en France qui décide de s’expatrier ou un couple qui envisage de s’unir lors de son expatriation… Dans de telles situations, il convient de s’interroger sur le régime matrimonial de ces couples internationaux.
Attention : cet article présente le raisonnement suivi au sein du système juridique français. Le raisonnement varie d’un État à un autre en raison de la diversité des normes en vigueur dans chaque État.
Définition du régime matrimonial
Le régime matrimonial règle les rapports patrimoniaux entre les époux et permet de définir la frontière entre les biens communs aux époux et les biens propres de chacun. Il permet de définir les droits et obligations des époux, les règles de gestion des biens pendant le mariage, et leur partage en cas de dissolution du mariage.
Méthode de détermination du régime matrimonial
Régime avec un contrat de mariage
Lorsque les époux ont rédigé un contrat de mariage, il n’y a pas de difficulté particulière : leurs rapports sont soumis au régime matrimonial ainsi désigné.
Régime sans contrat de mariage
Les règles du droit international privé permettent de déterminer la loi applicable au régime matrimonial dans le cadre d’une situation internationale.
(Rappel : L’impact du droit international privé)
Il faut alors rechercher s’il existe une norme supranationale applicable et à défaut, il sera fait application du droit international privé de source nationale.
Ces normes (supranationales ou nationales) permettent de désigner la loi régissant le régime matrimonial du couple considéré.
Pour finir, il convient de rechercher quel est le régime matrimonial légal applicable dans l’État dont la loi a été désignée.
Source : Notarius international
La Convention « La Haye » sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux
En matière de régimes matrimoniaux, il existe une norme supranationale : la Convention La Haye relative à la loi applicable aux régimes matrimoniaux du 14 mars 1978.
Conditions d’applicabilité
- Cette Convention permet de déterminer la loi applicable aux régimes matrimoniaux pour les couples mariés à compter du 1er septembre 1992.
- Elle revêt un caractère universel et s’applique quelle que soit la loi désignée, même s’il s’agit de la loi d’un État non signataire. Cette universalité est d’une importance majeure dans la mesure où cette Convention n’a été ratifiée que par trois États : la France, le Luxembourg et les Pays-Bas (seuls ces trois États appliquent la Convention).
Détermination de la loi applicable
Principe d’autonomie
Les époux ont la possibilité de choisir la loi à laquelle ils souhaitent soumettre leur régime matrimonial en rédigeant un contrat de mariage préalablement à la célébration de leur union.
Cette possibilité de choix est limitée à trois options :
- la loi nationale de l’un des époux au jour de la désignation,
- la loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au jour de la désignation,
- la loi du premier État sur le territoire duquel l’un des époux établira sa première résidence habituelle après le mariage.
Désignation objective
À défaut de choix des époux, la Convention prévoit deux mécanismes de détermination objective.
Schéma dérogatoire
- Le schéma dérogatoire repose sur un schéma de convergence et n’est applicable que si les époux ont la même nationalité.
- Il convient de s’intéresser au droit international privé de l’État de nationalité commune des époux et à celui de l’État de première résidence habituelle après le mariage. Si ces deux normes retiennent que le régime matrimonial est soumis à la loi de nationalité commune des époux, alors cette loi régira le régime matrimonial du couple.
- Parmi les États retenant la loi de nationalité commune des époux : l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la Grèce ou encore le Maroc.
Schéma de principe
- Ce n’est que si le schéma dérogatoire ne peut s’appliquer que le schéma de principe a vocation à être mis en œuvre.
- Ce schéma prévoit qu’en principe le régime matrimonial est soumis à la loi de l’État sur le territoire duquel les époux ont établi leur première résidence habituelle après le mariage.
Mécanisme de mutabilité
Mutabilité volontaire
- Les époux conservent la possibilité, durant le mariage, de soumettre leur régime matrimonial à une loi autre que celle jusqu’alors applicable. Ce mécanisme permet aux couples de placer leur régime matrimonial sous l’empire d’une loi qu’ils trouveraient plus adaptée à leurs exigences, ou de se soumettre au régime légal applicable dans l’État d’expatriation.
- Ce choix est limité aux trois mêmes options que pour le choix initial de la loi par contrat de mariage.
- Ce choix a une portée rétroactive : cette loi nouvellement désignée s’appliquera à l’ensemble des biens des époux, y compris ceux acquis avant le changement de loi.
Mutabilité automatique
Dans certaines circonstances, la Convention prévoit que la loi applicable au régime matrimonial sera modifiée d’office, le changement sera subi par les époux. Cette mutabilité n’intervient que lorsque les époux n’ont pas désigné la loi applicable (ni par contrat de mariage ni a posteriori).
Le changement n’a d’effet que pour l’avenir, les biens appartenant aux époux antérieurement à ce changement ne sont pas soumis à la loi désormais applicable.
- Il s’agit notamment de l’hypothèse fréquente où les époux partent vivre dans un État autre que celui où ils avaient initialement installé leur résidence habituelle après le mariage. Une telle expatriation prolongée engendre une mutabilité automatique de leur régime matrimonial en faveur de la loi de cet État à compter de la onzième année d’expatriation.
Les époux se retrouvent automatiquement soumis au régime matrimonial légal applicable dans cet État. - Il s’agit aussi de l’hypothèse où des époux de même nationalité fixent leur nouvelle résidence habituelle sur le territoire de l’État dont ils ont tous deux la nationalité. Ce changement entraîne une mutabilité automatique et immédiate : les époux sont instantanément soumis à la loi de cet État.
Les règles du droit international privé de source française
Lorsque les époux se sont mariés avant le 1er septembre 1992, la Convention “La Haye” est inapplicable, les règles de source française retrouvent donc leur empire.
- Le droit international privé prévoit un système subjectif permettant aux époux de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial.
- À défaut de choix exprimé par le couple, il existe une présomption selon laquelle les époux ont souhaité soumettre leur régime matrimonial à la loi de l’État sur le territoire duquel ils ont établi leur première résidence habituelle après la célébration de leur union. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple et les juges du fond apprécient souverainement la volonté des époux.
Quelques conseils pratiques
Mariage pendant une expatriation
Lorsque l’expatrié envisage de se marier durant son expatriation, sans rédiger de contrat de mariage, il sera automatiquement soumis au régime légal applicable dans l’État d’expatriation, puisqu’il y établit sa première résidence habituelle après le mariage.
Changement automatique du régime après 10 ans ?
(Pour la France, le Luxembourg et les Pays-Bas) Lorsqu’un couple marié envisage de s’expatrier, sans avoir rédigé de contrat de mariage, il sera soumis au régime légal applicable dans cet État à partir de la onzième année d’expatriation.
Une telle mutabilité automatique peut avoir des incidences patrimoniales importantes, lorsque le couple passe, sans le savoir, du régime de la communauté des acquêts à celui de la séparation de biens, ou inversement…
Un doute sur un régime matrimonial ?
Le meilleur moyen de protéger votre régime matrimonial et d’éviter les surprises reste encore de consulter un professionnel du patrimoine pour choisir le régime qui conviendrait le mieux à votre situation et de figer ce choix par contrat de mariage préalablement à la célébration, ou à tout moment après le mariage.
Pour un tour d’horizon mondial des régimes matrimoniaux légaux : tour du monde des régimes matrimoniaux.