Libéralités internationales

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Par Lucille Berdery

Expatriation : Approche civile et fiscale

Libéralités internationales

De son vivant, il est possible que l’expatrié décide de faire des donations en faveur de ses proches restés en France, ou de sa famille expatriée avec lui. L’expatrié peut également rédiger un testament pour anticiper la dévolution de ses biens en cas de décès.


Quelles sont les règles applicables à de telles libéralités internationales ?

Libéralités internationales : définition

La libéralité est l’acte par lequel une personne dispose, à titre gratuit, de tout ou partie de ses droits ou biens au profit d’une autre personne.

« Libéralité » est le terme générique utilisé pour parler des donations (libéralités faites entre vifs) et legs (libéralités faites par dispositions testamentaires).

La libéralité revêt un caractère international dès lors qu’existe un élément d’extranéité tel que :

  • Le donateur (ou disposant) réside dans un État autre que celui dans lequel réside le bénéficiaire et la libéralité a pour objet des biens situés dans l’un des deux États
  • Le donateur (ou disposant) et le bénéficiaire résident dans un même État mais la libéralité a pour objet des biens situés dans un autre État

Limites des libéralités

Chacun est libre de disposer de son patrimoine comme il l’entend, aussi bien de son vivant (par donations) qu’en cas de décès (en rédigeant un testament).

La seule limite serait l’existence d’une réserve héréditaire. En effet, la réserve héréditaire représente la part minimale des biens et des droits successoraux dont la loi assure la dévolution aux héritiers dits réservataires, rendant par conséquent inopérante la volonté de déshériter en totalité ses enfants.

La quotité disponible, quant à elle, constitue la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le de cujus peut disposer librement par donations ou dispositions testamentaires en faveur des personnes de son choix.

Par conséquent, les donations et le testament ne doivent pas porter atteinte à cette réserve héréditaire, qui doit rester intacte et être impérativement attribuée aux héritiers réservataires. Le calcul de la réserve héréditaire, lorsqu’elle est prévue par la loi, revêt un caractère important afin d’éviter toute remise en cause des donations ou des dispositions testamentaires.

Ainsi, tout va dépendre de la loi applicable à la succession car c’est au regard de cette loi que seront appréciés :

  • l’existence ou non d’une réserve héréditaire et, le cas échéant,
  • le montant de la réserve héréditaire
  • le respect de la réserve.

Pour déterminer la loi applicable à votre succession : voir « Successions internationales »

Régime fiscal des libéralités internationales

D’un point de vue fiscal, les libéralités sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit. Dès lors que la libéralité est internationale, certaines particularités doivent être prises en compte.

  • La nationalité du donateur (ou du défunt) et celle du bénéficiaire sont sans incidence sur l’application des droits de mutation à titre gratuit
  • Il n’y a pas lieu de distinguer selon que l’acte de donation est ou non passé en France
  • Seuls ont une incidence le domicile du donateur au jour de la donation ou du défunt au jour de son décès, le domicile du bénéficiaire et la localisation des biens meubles et immeubles reçus

Selon le droit français, les règles applicables sont les mêmes pour les donations et pour les successions (qu’il s’agisse d’une dévolution testamentaire par legs ou d’une dévolution légale en l’absence de testament).

Application du droit français

Le donateur (ou défunt) est domicilié en France

Lorsque le donateur (ou défunt) est domicilié en France, tous les biens meubles et immeubles sont imposables en France, quels que soient le lieu de résidence du bénéficiaire et la situation des biens.

Ainsi, les meubles corporels et les immeubles situés à l’étranger sont également imposables en France.

Le donateur (ou défunt) est domicilié hors de France

  • Lorsque le bénéficiaire (donataire ou héritier) est domicilié hors de France, seuls les biens meubles et immeubles situés en France qu’il reçoit sont imposables en France
  • Lorsque le bénéficiaire est domicilié en France au jour de la transmission et l’a été pendant au moins six années au cours des dix dernières années, tous les biens meubles et immeubles qu’il reçoit sont imposables en France, quelle que soit leur situation

Tableau récapitulatif des biens imposables aux droits de mutation français, selon le droit interne :

Donateur / Disposant domicilié en FranceDonateur / Disposant domicilié hors de France
Bénéficiaire domicilié en France au jour de la transmission et pendant au moins 6 des 10 dernières annéesTOUS les biens donnés ou légués, quelle que soit leur localisationTOUS les biens reçus par le bénéficiaire, quelle que soit leur localisation
Bénéficiaire domicilié hors de FranceTOUS les biens donnés ou légués, quelle que soit leur localisationSEULS les biens situés en France reçus par le bénéficiaire

Incidence des conventions fiscales internationales

Les règles exposées ci-dessus sont celles prévues par le droit français. Néanmoins, dès que la libéralité présente un caractère international, il est nécessaire de prendre en considération le droit applicable dans les autres États intéressés. Il est alors possible que le bénéficiaire se voit soumis à une double imposition : en France et à l’étranger (État de résidence du bénéficiaire ou État de situation des biens).

CAS PRATIQUE  : Libéralité internationale France / Catalogne

En matière de successions

Le « Règlement Succession » applicable aux successions internationales n’apporte pas de solution uniforme quant au calcul des droits de succession. Il exclut de son champ d’application toute la matière fiscale. Dès lors, il appartiendra toujours aux droits nationaux de déterminer comment seront calculés et payés les droits de succession. Chaque pays dans lequel réside le défunt ou un des héritiers, ou dans lequel se trouve un élément du patrimoine, conserve le droit d’imposer la transmission.

Afin d’éviter les doubles impositions, la France a conclu des conventions fiscales internationales répartissant le pouvoir d’imposer entre les États concernés.

La plupart de ces conventions permettent à la France d’appliquer la règle du taux moyen effectif afin de maintenir la progressivité des droits : la France va appliquer le taux d’imposition qui serait applicable à l’ensemble des biens qu’elle pourrait taxer selon le droit français, aux seuls biens dont le pouvoir d’imposition lui a été accordé par la convention.

En matière de donations

Le mécanisme de suppression de la double imposition est identique en matière de donations.
Cependant, les conventions destinées à éviter les doubles impositions en matière de donations sont peu nombreuses. La France n’a en effet conclu que dix conventions bilatérales (avec l’Allemagne, l’Autriche, les États-Unis, l’Italie, la Guinée, la Nouvelle-Calédonie, le Portugal, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Suède et la Suisse).

Faute de convention signée avec les autres États, les donations sont toujours susceptibles d’être soumises à une double imposition. Dans ces cas, la France permet au bénéficiaire d’imputer les droits de donation acquittés à l’étranger à raison des biens situés hors de France, sur l’impôt exigible en France, ce qui permet de limiter les doubles impositions.

Cette imputation se fait au moyen d’un formulaire spécifique, l’imprimé n°2740.